Sur Twitter, bugs et changements de politique sèment la confusion


Il y a comme un air de déjà-vu. Jeudi 6 et vendredi 7 avril, Twitter a mis en place une série de mesures restreignant fortement la possibilité pour ses utilisateurs et utilisatrices de partager et de consulter les liens vers la plate-forme d’autoédition Substack, avant, finalement, de se rétracter deux jours plus tard. Un changement survenu juste après que Substack, justement, a annoncé le lancement d’un nouveau produit très similaire à Twitter, baptisé « Notes ».

La décision et son annulation n’est pas sans rappeler la façon dont le réseau social d’Elon Musk avait, en décembre, subitement décidé de bloquer tout lien vers des plates-formes concurrentes, comme Instagram et Mastodon. Avant, là encore, de changer d’avis.

Des changements de politique intempestifs

Sur la plate-forme, ces modifications subites de politiques s’observent aussi sur la labellisation des comptes. Après s’être empêtré à plusieurs reprises avec le lancement de son système de certification, Twitter s’est attiré les foudres de la radio américaine NPR et de la BBC pour avoir affublé leur compte de la mention « Média affilié à un Etat ». Cette dernière a été initialement créée au début de l’année 2022 pour identifier les médias relayant la propagande de gouvernements, comme Russia Today ou le Global Times, affiliés à la Russie et à la Chine.

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NPR a rappelé que son fonctionnement éditorial était indépendant du gouvernement et que les fonds gouvernementaux ne représentaient que 1 % de ses financements. Même son de cloche du côté de la BBC, dont les fonds dépendent principalement d’une taxe prélevée auprès de l’ensemble des citoyens britanniques et dont l’indépendance est garantie dans ses statuts. Questionné sur le sujet, Elon Musk a estimé dans un tweet qu’il ne voyait pas de problème dans cette labellisation, mais la BBC comme NPR ont annoncé avoir ouvert des négociations avec Twitter en vue de faire retirer la mention.

Parallèlement à ces changements, la plate-forme a continué à faire évoluer ses règles en matière de modération. Une enquête du Telegraph publiée le 7 avril a ainsi démontré que Twitter a, en toute discrétion, changé la façon dont sont exposés les tweets publiés par des organes officiels russes. Alors que leur mise en avant a été volontairement limitée par la plate-forme à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine, en février 2022, ils apparaissent aujourd’hui de nouveau dans les résultats de recherche ainsi que dans le fil « Pour vous » des internautes. Une semaine auparavant, ce sont les médias affiliés à la Russie et à la Chine qui semblent avoir bénéficié d’un assouplissement des mesures les concernant.

Des bugs à répétition et une situation économique instable

La page « Pour vous », un fil algorithmique dans lequel apparaissent des messages envoyés par des comptes que l’on ne suit pas nécessairement, est d’ailleurs au cœur d’un nouveau bug : certains utilisateurs rapportent, en effet, y avoir observé des tweets qui n’auraient pas dû être publics. D’après le média spécialisé TechCrunch lundi, ce bug proviendrait de la fonctionnalité « Cercles », lancée il y a un an sur plate-forme, et qui permet aux utilisateurs et utilisatrices de limiter l’exposition de certains de leurs messages à leurs proches.

Ce dysfonctionnement vient s’ajouter à la liste déjà longue des bugs répertoriés sur le réseau social depuis le début de l’année, et qui se sont multipliés depuis les vagues de licenciements opérées par Elon Musk. Selon les informations du média spécialisé Platformer, l’entreprise ne comptait, par exemple, au début du mois de mars, plus qu’un seul ingénieur chargé de la site reliability, la « stabilité de la plate-forme ». Or, son rôle est justement de contrôler que les modifications apportées à Twitter n’ont pas des effets de bord désastreux.

Certains licenciements voient, par ailleurs, aujourd’hui leur prolongement devant les tribunaux. Des ex-dirigeants de Twitter ont ainsi porté plainte en nom collectif lundi contre la plate-forme, exigeant qu’elle leur rembourse de nombreux frais juridiques liés à des poursuites menées contre leur ancienne entreprise mais aussi à des enquêtes de la SEC (Securities and Exchange Commission, le gendarme boursier américain) et du ministère de la justice. La SEC cherche notamment à savoir si M. Musk a respecté les règles quand il est monté au capital de Twitter. Parag Agrawal, l’ancien patron du réseau social, Vijaya Gadde, l’ancienne directrice juridique, et Ned Segal, l’ancien directeur financier, réclament ainsi collectivement plus d’un million de dollars de remboursement à leur ex-employeur, d’après la plainte déposée auprès d’une cour spécialisée du Delaware et publiée par le New York Times.

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Plusieurs plaintes ont également été déposées par des propriétaires de bureaux, des consultants et des sous-traitants, qui réclament le paiement de loyers et de factures à Twitter. En février, le Wall Street Journal a estimé le total des montants impayés à 14 millions de dollars (12,8 milliards d’euros), sans compter les intérêts. En décembre, le multimilliardaire a affirmé lors d’une discussion en ligne avoir entrepris de « réduire les coûts comme un dingue » pour éviter une cessation de paiements, alors que de nombreux annonceurs, rebutés par le nouveau patron, n’achètent plus d’espaces publicitaires sur la plate-forme. Cédée pour 44 milliards de dollars (40 milliards d’euros), l’entreprise n’en vaut aujourd’hui plus que 20 (18 milliards d’euros), selon un document interne révélé à la fin du mois de mars.

Une situation financière instable qui n’empêche pas son fantasque propriétaire de faire preuve d’un humour douteux. Après avoir remplacé pendant quelques jours le logo de Twitter par celui de la cryptomonnaie dogecoin, il a fait en sorte lundi que la lettre « w » de l’enseigne des locaux de Twitter à San Francisco soit masquée afin de former le mot titter, référence à la poitrine (« tits », en anglais).

Le Monde avec AFP



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